Sunday, January 17, 2010

Isramart energy: Les entreprises françaises utilisent peu les quotas payants

Les entreprises françaises émettent nettement moins de CO2 que le volume qui leur est alloué gratuitement sur le marché européen des quotas : en 2008, l'excédent a atteint 5,9 millions de tonnes de CO2, selon un bilan de la Caisse des Dépôts.
Les quotas de CO2 ne représentent pas une contrainte majeure pour le millier de sites industriels français.
Les quotas de CO2 ne représentent pas une contrainte majeure pour le millier de sites industriels français.

Gratuits jusqu'à un certain seuil, payants au-delà, les quotas de CO2 ne représentent pas une contrainte majeure pour le millier de sites industriels français qui y sont soumis (acier, ciment, verre, électricité, etc.) : ceux-ci figurent même parmi les mieux lotis d'Europe, si l'on en croit la synthèse 2008, encore non divulguée, de la Caisse des Dépôts et Consignations, en charge de recenser la consommation de carbone effective de chaque entreprise.

Alors que la plupart des pays consomment plus de CO2 que le niveau prévu par la Commission européenne (Royaume-Uni, Allemagne, Italie, etc.), la France dispose de l'un des excédents les plus importants de l'Union. Avec 5,9 millions de tonnes non utilisées (et donc susceptibles d'être vendues), elle se situe même dans le trio de tête, au côté de la Roumanie et de la Slovaquie. Même si les chiffres 2009 ne sont pas encore disponibles, la crise, et le ralentissement des cadences de production ont certainement renforcé la tendance. Pour l'heure, il est impossible de connaître les gains et pertes de chaque entreprise, l'Union européenne s'étant engagée à respecter un délai de confidentialité de cinq ans. Cela ne signifie pas que les quotas sont sans effet sur les entreprises : à défaut de payer des droits de polluer, elles sont obligées d'investir, parfois lourdement, pour réduire leurs émissions avant 2013, date à laquelle les quotas payants seront de plus en plus nombreux. « Les Echos » ont sondé plusieurs entreprises pour connaître leurs pratiques.

· Celles qui achètent des quotas. En cas de dépassement de leurs quotas, les entreprises peuvent acheter de nouveaux droits à polluer auprès des entreprises qui n'exploitent pas l'intégralité des leurs. Les prix fluctuent en fonction de la demande (actuellement 13,20 euros la tonne de CO2). Mais elles sont rares dans ce cas : en France, les raffineries sont les seules à consommer plus de CO2 que le niveau alloué (à titre gratuit) par l'Union européenne, indique la Caisse des Dépôts. En 2008, elles ont dû acheter 1.8 million de tonnes sur les marchés, en plus de celles données à titre gratuit. Certaines entreprises d'électricité sont également concernées, mais de manière plus anecdotique. En 2008, EDF a dû acheter 1 million de tonnes de CO2 sur le marché. En 2009, ces achats ont doublé, à 2 millions de tonnes. A compter de 2013, les quotas payants seront de plus en plus nombreux : l'Union des industries chimiques (UIC) estime qu'ils représenteront 250 millions d'euros par an pour les entreprises du secteur.

· Celles qui négocient des quotas supplémentaires. En plus des quotas classiques, les entreprises peuvent obtenir des crédits supplémentaires (pour les vendre ou les utiliser) en développant des projets verts dans les pays en voie de développement. C'est le cas, par exemple, de GDF Suez. En 2008, le groupe gazier a émis 50 millions de tonnes de CO2, dont seulement 39 millions à titre gratuit. En plus d'acheter 5 millions de tonnes, il a acquis 6 millions de tonnes en développant des « mécanismes de développement propre » (MDP), telles la lutte contre la déforestation au Brésil et la construction d'un parc éolien au Chili. Rhodia acquiert aussi des quotas, via des projets en Corée du Sud et au Brésil, mais pour des raisons différentes : grâce à ces projets, le chimiste peut mettre en vente entre 11 et 13 millions de tonnes de CO2 par an, soit entre 165 et 195 millions d'euros de revenus annuels. La finance carbone est devenue, pour le groupe, une activité à part entière : elle représente désormais 5 % de son chiffre d'affaires. Ce type de projet reste toutefois peu fréquent : en France, seules 4 % des émissions de carbone sont « financées » grâce aux projets MDP, selon la Caisse des Dépôts.

· Des comportements modifiés. Même s'il est imparfait, le marché contribue à modifier le comportement des entreprises. Celles-ci doivent réduire leurs émissions de CO2 de 21 % d'ici à 2020, et bénéficieront de moins en moins de quotas gratuits. « Valoriser la tonne de CO2 incite les entreprises à produire plus vert », estime Jacques Toraille, directeur du développement durable chez Michelin. Depuis 2005, le groupe a déjà réduit ses émissions d'un cinquième dans ses chaufferies. La construction de deux éoliennes, en Ecosse a permis de réduire la consommation de carbone de 4.000 tonnes. La récupération de chaleur d'un incinérateur à Bassens (Gironde) fait économiser 20.000 tonnes de carbone par an. Chez Arkema (chimie), la réduction des émissions de carbone et l'amélioration de l'efficacité énergétique représentent 7 % des investissements. « Ces projets sont chers et peu rentables. Arrêtons de dire que les quotas européens ne coûtent rien aux entreprises », explique le directeur des affaires institutionnelles, Nicolas de Warren.