Thursday, June 17, 2010

La production d'énergie pourrait décliner avant 2040, selon les chercheurs d'ED

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Les scientifiques du département recherche et développement (R&D) d'EDF s'attendent à "des tensions énergétiques liées au pétrole à un horizon qui ne devrait pas dépasser 2015-2020". Dans un article paru en janvier dans la Revue de l'énergie et passé à peu près inaperçu depuis, le directeur R&D du géant français de l'électricité, Yves Bamberger, évoque "un nécessaire effacement de la demande [d'énergie] qui ne pourra être obtenu que par des efforts de sobriété"

Un tel signal d'alarme a de quoi surprendre, puisqu'il émane d'un groupe industriel dont la vocation est de vendre de l'énergie. Il s'appuie sur une modélisation de la croissance à venir de la demande énergétique mondiale et des moyens de production supplémentaires à mettre en place pour répondre à cette augmentation.

EDF R&D met d'abord en évidence un déclin de la production mondiale de pétrole "autour de 2020", faute de réserves d'or noir suffisantes. Un pronostic très proche des thèses controversées de l'ASPO, une association internationale de pétro-géologues qui jugent que les capacités d'extraction futures sont dangereusement surévaluées par les firmes pétrolières étatiques et privées.

L'analyse d'Yves Bamberger, cosignée par Bernard Rogeaux, conseiller de synthèse de EDF R&D, ne s'arrête à ce seul pronostic inquiétant. La suite de l'étude tente d'évaluer l'augmentation de la production mondiale des autres sources d'énergie, indispensable pour compenser le déclin annoncé du pétrole. L'hydraulique serait multiplié par deux, les autres énergies renouvelables par vingt-cinq, le nucléaire et le charbon par cinq. Malgré ce développement colossal, "c'est avant 2040 que la demande énergétique mondiale ne peut plus être satisfaite avec les technologies aujourd'hui opérationnelles", préviennent les auteurs.

UN SCÉNARIO "OPTIMISTE"

Et encore... Les chercheurs d'EDF R&D qualifient eux-mêmes leur scénario d'"optimiste". En effet, ils retiennent une hypothèse de croissance de la demande mondiale d'énergie de seulement 1,7 % par an, quand l'Agence internationale de l'énergie table sur 2,4 %. MM. Bamberger et Rogeaux insistent sur le caractère inéluctable d'un "recours massif au charbon" pour répondre à cette croissance de la demande. Ils insistent : "Notre scénario, qui suppose pourtant une demande modérée et une électrification volontariste des transports, nécessite dès 2030 la liquéfaction de près de 2 milliards de tonnes de charbon... à un horizon où la capture-stockage du CO2 ne sera certainement pas généralisée."

"Est-ce réaliste et souhaitable ?", interrogent-ils. A cause du charbon, le scénario d'EDF R&D envisage des émissions annuelles de CO2 atteignant 9 à 10 gigatonnes d'équivalent carbone d'ici à 2020-2040. La "limite souhaitable" pour contenir l'impact de ce gaz à effet de serre sur le climat est estimée à 3 gigatonnes... Le scénario alternatif envisagé est vertueux pour le climat, mais paraît potentiellement catastrophique pour l'économie planétaire. M. Rogeaux souligne : "Les seules solutions 'éthiques', qui limiteront l'utilisation du charbon, conduisent à une décroissance de l'offre énergétique mondiale dès 2025-2030."

UNE NOUVELLE SOURCE D'ÉNERGIE "À TROUVER"

EDF R&D fait valoir que les nouvelles technologies "requièrent le plus souvent un délai incompressible de vingt à trente ans pour être déployées massivement". Quelle source d'énergie miracle pourrait d'ici là venir combler, dans une génération, le déclin de celles que l'humanité maîtrise déjà ? L'article publié par la Revue de l'énergie se contente d'inscrire un point d'interrogation en face duquel est écrit : "A trouver..."

Faut-il voir derrière cet article une stratégie d'EDF pour se voir allouer des crédits de recherches plus importants par son actionnaire principal, l'Etat ? Bernard Rogeaux répond : "Nous sommes des chercheurs objectifs, et nous sommes inquiets pour les générations futures." La "sobriété" énergétique jugée indispensable par Yves Bamberger et Bernard Rogeaux pourrait impliquer, selon eux, une évolution "vers un monde énergétique régi par des plans d'urgence".