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Nuisibles quand elles recouvrent les plages, les algues vertes peuvent être valorisées. Si l'épandage sur les champs reste le principal débouché, d'autres filières se développent.
Pas moins de 60 000 m3 d'algues vertes ont été ramassées en Bretagne l'an dernier. Une plaie pour les collectivités chargées d'en débarrasser leurs littoraux, un handicap pour l'industrie du tourisme, dont la clientèle fuit les plages. Mais que deviennent ces tonnes de végétaux une fois retirées des plages ? Plusieurs options existent pour tirer bénéfice de cette envahissante matière première.
Un engrais efficace
L'épandage constitue le principal débouché des ulva lactuca le procédé concernerait 80% de la «laitue verte» ramassée. Cette technique qui consiste à déposer des algues fraîches, riches en azote, sur des parcelles agricoles pour servir d'engrais est avantageuse car efficace et peu coûteuse aucun traitement particulier n'est requis. Le procédé a toutefois ses contraintes : le transfert de la plage au champ doit être rapide, pour conserver à l'algue sa fraîcheur. Pour la même raison, la destination ne doit pas être trop éloignée du lieu de ramassage. A La Lieue de Grève dans les Côtes d'Armor, «les camions ne rayonnent pas au-delà de 25 km», explique Gwenaëlle Briant, coordinatrice des bassins versants de la Lieue de Grève.
L'agriculteur bénéficiaire de l'épandage est en outre tenu de signer une convention stipulant qu'il s'engage à tenir compte de l'apport azoté que représentent les algues dans son bilan de fertilisation, pour respecter le pH du sol, précise Gwenaëlle Briant. Pour la même raison, une même parcelle ne peut être couverte d'algues qu'une fois tous les cinq ans.
L'autre débouché majeur pour les ulves consiste à les mélanger à d'autres végétaux verts pour produire du compost. Plus coûteuse elle nécessite pour les collectivités locales de faire appel à des prestataires extérieurs - cette solution est particulièrement prisée à la fin du printemps, lorsque l'épandage est impossible dans les champs couverts de cultures. Elle a toutefois l'avantage de donner une valeur économique à une matière première gratuite. Et contrairement à l'épandage, le compost peut être utilisé par tous et sans contraintes.
Un produit difficile à exploiter
Intéressantes du point de vue de leur composition, les algues sont toutefois difficiles à utiliser au niveau industriel, car leur production est irrégulière et imprévisible. Et les contraintes pour les transformer ne sont pas minces. Il faut les traiter dans les 3-4 jours après qu'elles se sont échouées sur la plage pour éviter qu'elles ne pourrissent. Humides, elles sont difficilement transportables car elles contiennent énormément d'eau. Asséchées, elles sont beaucoup plus maniables mais il faut pour cela disposer d'un combustible peu cher à proximité. «C'est faisable si vous disposez d'une station d'épuration qui dégage des gaz, par exemple», souligne Yannick Lerat, responsable de la plateforme analyses et gestion des connaissances au Centre d'étude et de valorisation des algues (Ceva). Il faut en outre les débarrasser du sable qu'elles contiennent quand on les ramasse sur la plage - un processus assez délicat. Mais une fois réduite en farine ou en galettes, l'ulve voit sa valeur exploser : 2000 à 3000 euros la tonne.
Une fois «stabilisée», la matière est éligible pour un certain nombre de transformations industrielles, souligne Yannick Lerat. «Les algues vertes peuvent intervenir dans la fabrication de nombreux produits. Cosmétiques, produits chimiques, matériaux comme le carton ou les plastiques, nourriture pour les animaux, voire pour les hommes».
Autre piste envisageable, la production d'énergie. «Le processus de méthanisation, au cours duquel les algues dégagent du gaz, et donc produisent de l'énergie, au contact de bactéries, est déjà utilisé dans des projets pilotes au Japon. Le problème, c'est que son rendement n'est pas fantastique et qu'il émet du souffre, corrosif pour les installations », explique Yannick Lerat. La fabrication de bioéthanol, un carburant à base d'algues vertes, fait aussi l'objet de plusieurs recherches en France. «Pour l'instant, le rendement n'est qu'à 10 ou 20%. Il faudrait pouvoir monter à 50%», relève le spécialiste.
Les investissements restent néanmoins limités dans ce secteur car «il est difficile de construire une industrie sur une ressource dont on cherche avant tout à enrayer la production», constate Pascal Barkats. «On préfère investir dans le préventif, évidemment, mais un modèle économique commence toutefois à émerger». La clé du succès repose toutefois sur la coordination des actions menées par les différentes collectivités locales, estime-t-il. «Ce qui manque, c'est l'organisation une filière d'approvisionnement. Si chacun fait les choses dans son coin, ça ne décollera jamais».