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Des échantillons d'air destinés aux chercheurs circulent même par valise diplomatique.
Partout, au fin fond de la Mongolie, au milieu de l'Afrique ou quelque part en Amérique du Sud, ils sont une centaine de volontaires d'un genre bien particulier. Des serviteurs de la science atmosphérique, des chasseurs de CO2 (dioxyde de carbone)!
Ainsi, de façon quasi quotidienne, ces hommes et ces femmes remplissent des gros flacons avec de l'air ambiant. Puis, parcourant parfois des centaines de kilomètres, ils apportent leur précieuse collecte au consulat des États-Unis le plus proche. Les récipients, loin d'avoir achevé leur périple, sont alors placés dans la valise diplomatique et expédiés afin d'arriver au plus vite à la Noaa (National Oceanic and Atmospheric Administration), dans l'État du Colorado, où ils sont analysés.
«Chasseur de carbone»
Dans ce temple de la recherche sur la météorologie et le climat, des chercheurs ont, à l'instar de leurs collègues français du LSCE-CEA (Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement), entrepris depuis quelques années de mesurer les quantités réelles de CO2 et de méthane (deux puissants gaz à effet de serre) émis dans l'atmosphère. Le programme baptisé Carbon Tracker («chasseur de carbone») vise «à évaluer année après année l'évolution des émissions de CO2 en distinguant les sources anthropiques des sources naturelles», explique Lori Bruhwiler, l'une des scientifiques travaillant sur ce programme aux États-Unis.
Les échantillons qui ont les honneurs de la diplomatie complètent en fait des relevés émanant de stations fixes. «Il en existe environ deux cents réparties dans le monde», précise Philippe Ciais, directeur de recherche au CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives). Il y en a une quarantaine en Europe et «nous espérons en disposer d'une centaine prochainement dans le cadre du programme européen Icos», poursuit le chercheur.
L'intérêt de tels relevés est évident même si, reconnaît Philippe Ciais, «il faudra encore quelques années avant que l'on puisse différencier précisément le CO2 qui émane de la nature et celui qui est lié aux seules activités humaines». Les chercheurs vont en effet pouvoir les confronter aux mesures présentées par les gouvernements, qui sont le résultat de calculs mathématiques et virtuels: quantité de pétrole ou de gaz consommés, taille des cheptels, surface des forêts…
Il faut ajouter à ces deux méthodes de mesures une troisième effectuée par les satellites. Le premier a été lancé il y a peu par le Japon. Il commence à produire des résultats. Les Américains devraient également lancer le leur en 2013 et, «en France, deux missions spatiales sont à l'étude», explique encore le chercheur. Pilotées par le Cnes (Centre nationale d'études spatiales), l'une vise la mesure du CO2 tandis que l'autre, menée en collaboration avec l'Allemagne, concerne le CH4 (méthane).
Ces mesures sont très importantes. Elles sont au cœur des grandes négociations internationales sur le climat. Notamment pour les pays industrialisés, qui, dans le cadre du protocole de Kyoto, se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et encourent des pénalités s'ils n'atteignent pas leurs objectifs.