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La crise économique doit forcer les pays européens à penser un "pacte de développement durable". Seul ce pacte et la mise en œuvre de politiques agricoles et énergétiques communes permettront à l'Europe de se reconstruire, en réconciliant économie et écologie.
Le fardeau de la dette publique engendre un risque de récession et de crise sociale, voire d’effondrement de l’Euro. La contraction budgétaire annoncée va en outre à l’encontre des impératifs de résolution de la crise écologique qui demande d’importants financements structurants qui ne sont pas apportés par les marchés financiers du fait d’une rentabilité financière à court terme insuffisante.
La puissance publique doit encore investir dans le logement, le transport, l’énergie, l’agriculture alors que les marchés financiers nous imposent une contraction de la dépense publique, tout en sanctionnant le risque de récession qui peut en résulter ! Le seul moyen de résoudre cette équation est d’autoriser des dépenses d’investissement dans le développement durable en les faisant financer, dans des limites rigoureusement définies, par la Banque Centrale Européenne. C’est ce qui permettra de redonner aux Etats européens les moyens de financer l’économie et de les mettre à l’abri des humeurs des marchés financiers. C’est la seule réponse à l’incompréhension des citoyens qui pensent qu’on sauve les banques avec l’argent des contribuables, sans effet tangible sur l’emploi.
La BCE, conformément aux traités de l’union monétaire européen, ne peut intervenir de la sorte qu’en cas de circonstances exceptionnelles et, à l’évidence, s’il ne s’agit pas juste d’un raccommodage ou d’une opération visant à favoriser l’absence de rigueur de certains Etats Membres. C’est ce qu’elle vient de faire face au risque de défaut de paiement en cascade sur les dettes souveraines et de pertes bancaires massives en résultant.
C’est ce qu’elle pourrait faire face au risque bien plus important encore d’une crise pétrolière et de la dépendance mortelle de l’Europe en la matière. La France dépense par exemple 55 milliards d’euros par an en gaz et pétrole, au cours actuel. Les ménages et les entreprises consacrent donc une partie importante de leur richesse à acheter de l’énergie aux pays producteurs, au lieu de générer des dynamiques vertueuses pour l’emploi et la compétitivité. Que se passerait-il avec un baril à 150 dollars, valeur qui ne peut être exclue du fait de la reprise économique dans les pays émergents ?
Il est possible de construire une solution qui réponde aux divers enjeux actuels : besoin de relance de l’emploi et de l’activité économique, investissement dans les technologies de demain et assainissement de la situation budgétaire des Etats, des entreprises et des ménages. Il faut donc :
• mettre en place une ligne de financement européenne dédiée au défi de la décarbonisation nécessaire de l’économie (rénovation thermique des logements, infrastructures ferroviaires et électriques (compteurs intelligents), nouvelle impulsion aux énergies décarbonées…). L’enjeu est de réussir, en situation de crise, à créer une Politique Energétique Commune. Une économie bas carbone c’est une économie qui réduit ses importations et sa dépendance aux hydrocarbures et une Europe capable de négocier avec les pays producteurs. La France dispose de champions mondiaux sur ces sujets et des structures pour gérer ces financements suite au travail sur les investissements d’avenir.
• accompagner ce financement de mesures strictes et crédibles tant en termes budgétaires que réglementaires pour que l’opinion comprenne que les Etats sont bien en train de reprendre la main sur les deux domaines de perception de dérive : les finances publiques, et les excès bancaires. Ces mesures seront nécessaires pour obtenir l’accord de l’Allemagne. Il s’agit d’inventer un nouveau pacte, de développement durable, se substituant au pacte de stabilité et de croissance.
• mettre en place un signal-prix carbone, tel que la relance économique ainsi provoquée ne conduise pas, paradoxalement, à aggraver le problème climatique ; plus généralement, il s’agit d’accoucher à marche forcée d’une fiscalité écologique qui transfert l’assiette des prélèvements du travail vers la consommation de ressources naturelles.
• créer au niveau européen des mécanismes d’ajustement aux frontières permettant aux entreprises européennes de ne pas être pénalisées par cette révolution fiscale et de renforcer leur compétitivité.
• renégocier une politique agricole commune régulant les prix à un niveau rémunérateur et stable, réduisant nos importations et notre dépendance aux hydrocarbures et aux protéagineux et valorisant la contribution de l’agriculture aux enjeux environnementaux.
La crise actuelle crée une nouvelle donne. Il nous faut partir sur de nouvelles bases avec une nouvelle stratégie, par la mise en place au niveau européen de trois piliers : un pacte de développement durable et deux grandes politiques communes modernes, la PAC et la PEC, génératrices d’emplois et d’innovation, améliorant notre balance commerciale et économisant les ressources naturelles. Elle signera les retrouvailles de l’écologie et de l’économie. Seule cette nouvelle dynamique européenne permettra à l’Europe de se reconstruire et de peser au niveau mondial dans la négociation climatique.
Alain Grandjean