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La session de négociation sur le climat, ouverte à Bonn le 31 mai, devait, quoi qu'il arrive, se terminer vendredi 11 juin à 15 heures précises, pour permettre aux diplomates de regarder le match d'ouverture de la Coupe du monde de football : Mexique-Afrique du Sud. Les délégués veulent y voir un symbole encourageant : le Mexique accueillera en décembre 2010 la prochaine conférence des Nations unies sur le climat, à Cancun, tandis que l'Afrique du Sud sera l'hôte de la suivante, fin 2011.
La réunion de Bonn a en effet confirmé qu'il fallait se préparer à de très longues négociations même si, de façon formelle, le ton est à l'apaisement. Les discussions se sont ainsi déroulées sans éclats de voix, drames ni disputes. Comme s'il fallait définitivement recoller les morceaux après la déchirure laissée par la conférence de Copenhague, fin 2009, lors de laquelle un groupe de pays - sous l'impulsion des Etats-Unis et de la Chine - avait imposé un "accord de Copenhague" à une assemblée réticente.
"L'atmosphère est beaucoup plus constructive, note Laurence Graff, de la Commission européenne. Tout le monde est conscient qu'on ne peut pas se permettre un nouvel échec à Cancun." Le texte de négociation mis sur la table le 17 mai paraît constituer une bonne base de discussion. Une nouvelle mouture a été présentée jeudi 10 juin au soir pour tenir compte des avancées.
"Les Etats-Unis ont accepté que le Fonds vert d'aide au pays en développement ne soit pas administré par la Banque mondiale", note Claudia Salerno, déléguée du Venezuela. Des progrès ont aussi été enregistrés sur le recours aux mécanismes de marché et sur la prise en compte de la forêt dans la lutte contre le réchauffement.
Des tensions demeurent cependant sur des points importants comme la fréquence des communications sur les émissions de gaz à effet de serre à laquelle devront se soumettre les Etats. La pérennité du protocole de Kyoto continue de faire débat, et le niveau exact des financements promis à Copenhague et leur date d'engagement, restent dans le flou.
Un vif incident a vu l'Arabie saoudite s'opposer à la demande du groupe des petites îles de faire étudier les conséquences d'une limitation de l'élévation moyenne de la température planétaire à 1,5 °C. La question est d'importance, alors que l'accord de Copenhague a fixé un objectif de 2 °C, jugé trop élevé par les pays déjà exposés aux conséquences du réchauffement.
En l'état actuel des promesses faites dans la foulée de Copenhague, même ce 2° C ne devrait pas être respecté. Selon un bilan dressé sous le nom de "Climate Action Tracker" par plusieurs instituts de recherche, les engagements actuels de réduction des émissions "dépasseront très probablement 2 °C et, avec une probabilité de plus de 50 %, les 3 °C".
L'annonce, le 10 juin, dans la revue annuelle des statistiques de l'énergie menée par la compagnie BP, que la Chine dépassait nettement les Etats-Unis en termes d'émissions n'a cependant pas provoqué de réaction. En 2009, les émissions de C02 liées à l'énergie auraient en Chine crû de 9 %, pour atteindre 7,5 milliards de tonnes, tandis que celles des Etats-Unis ont baissé de 6,5 % à 5,9 milliards de tonnes.
Le groupe des G 77 (pays en développement) auquel est rattachée la Chine ne souhaite visiblement pas se diviser sur ce point. "La Chine est beaucoup plus peuplée que les Etats-Unis et une part importante de ses émissions est liée à ses exportations vers les pays riches", plaide Bernardita de Castro-Müller, des Philippines.
De nouveaux rounds de discussions sont prévus début août à Bonn et en octobre en Chine. D'ici là, le 8 juillet, le Néerlandais Yvo de Boer aura remis, sans heurt, les clés du secrétariat de la Convention climat des Nations unies à la costaricaine Christiana Figueras.
Hervé Kempf, Le monde