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Une chaudière provisoire, posée dans le jardin séparant deux immeubles. Dans le quartier du Tronchet, à Monthey, c’est ainsi que sont alimentés en eau chaude les appartements situés dans les alentours. «Une histoire de fous, s’exclame Michel Heurteux, patron de Protex SA, la société genevoise propriétaire d’un des bâtiments concernés. Nous avons signé un contrat pour obtenir une énergie renouvelable, et il faut aujourd’hui brûler du mazout! Avec l’hiver qui approche, nous sommes inquiets.»
Cet immeuble, comme plusieurs autres dans ce secteur en plein essor, doit être raccordé au réseau de chauffage à distance (CAD) que construit la Satom, l’usine d’incinération valdo-valaisanne basée à Monthey. Le principe? Utiliser la chaleur dégagée par la combustion des déchets pour produire et distribuer de l’énergie thermique (lire ci-dessous). Jusqu’à 10 000 foyers de Monthey et de Collombey-Muraz sont censés pouvoir en profiter. Or, deux ans après le premier coup de pioche, les tranchées du thermoréseau s’arrêtent à une centaine de mètres du Tronchet. Ce chantier à 50 millions de francs est bloqué par la résistance féroce du groupe veveysan Holdigaz, fournisseur de gaz naturel dans toute la plaine du Rhône.
Monopole en cause
«Ce n’est pas une opposition de principe au CAD», souligne Philippe Petitpierre, directeur général d’Holdigaz. Son entreprise est d’ailleurs partenaire de tels projets dans plusieurs communes, en approvisionnant des centrales à bois. Mais à Monthey, les gaziers dénoncent et combattent «une entrave à la liberté de commerce». Car les règlements adoptés par les deux communes concernées prévoient l’obligation pour tout nouvel immeuble de se raccorder au CAD. Une exigence aussi imposée aux propriétaires en cas de rénovation importante ou de changement de chaudière.
Pour Holdigaz, ces dispositions instaurent «un monopole inadmissible» en faveur de la Satom. «Nous contestons l’interdiction qui nous est faite d’offrir nos services dans des zones pourtant déjà équipées en canalisations de distribution de gaz naturel», résume Philippe Petitpierre. Le groupe veveysan a donc recouru contre l’adoption des règlements communaux, avant de faire opposition, étape par étape, à la construction du réseau. Aux instances cantonales de trancher.
La Satom ne lâche pas le morceau, elle non plus. Dans l’usine d’incinération, des dizaines d’ouvriers s’activent pour achever les travaux nécessaires à la récupération des rejets de chaleur. Les premiers branchements – vingt bâtiments à Collombey – seront mis en service à la mi-octobre. «Ces clients ont tous signé librement avec nous, puisque les règlements attaqués par les gaziers ne sont toujours pas en vigueur», relève Edi Blatter, directeur de Satom SA. Mais la pose des conduites, qui aurait dû atteindre le centre-ville de Monthey cette année encore, prendra à coup sûr beaucoup de retard.
Edi Blatter n’hésite pas une seconde à parler de scandale. D’importants fonds publics – près de 9 millions au total – ont été alloués au projet de thermoréseau. «Et pourtant, on nous empêche d’alimenter en énergie propre une institution cantonale comme la Castalie!» Résultat: ce centre médico-éducatif pour handicapés, implanté à Monthey, devra continuer à se chauffer au mazout pour une durée indéterminée.
Idem dans le quartier privé du Tronchet, où la Satom va devoir installer des chaufferies de secours. Avec l’achat du mazout, le coût de cette opération dépassera 500 000 francs cet hiver, selon Edi Blatter. Un investissement qui plombera les comptes de l’usine d’incinération, en mains de 95 communes vaudoises et valaisannes. «C’est donc le contribuable qui paiera les pots cassés.»